Indice entrepreneurial québécois 2018

Conclusion

Tendances et recommandations

L’Indice entrepreneurial québécois marque avec cette édition son 10e anniversaire. La précision croissante avec laquelle il a pu témoigner, au fil des années, des tendances et du dynamisme de l’entrepreneuriat québécois a très certainement contribué à la mobilisation d’un écosystème qui porte aujourd’hui des mesures de soutien toujours plus adaptées.

Des données riches et détaillées sur notre entrepreneuriat sont essentielles afin d’offrir un accompagnement de qualité et adapté à la réalité de chaque entrepreneur. D’ailleurs, le Plan d’action gouvernemental en entrepreneuriat 2017-2022 (PAGE) du gouvernement du Québec, lancé plus tôt en 2018 par le précédent gouvernement, reflétait très clairement une volonté de reconnaître et de soutenir l’entrepreneuriat en prenant davantage en compte les diverses formes et clientèles de l’entrepreneuriat.

Ainsi, au-delà du suivi traditionnel de la chaîne et de l’activité entrepreneuriale, la Fondation de l’entrepreneurship a souhaité marquer cette dixième édition avec un regard sur huit grands thèmes, et dont l’analyse permet de reconnaître les perspectives pour le Québec d’une performance renouvelée de l’entrepreneuriat pour la prochaine décennie.

Taux d’intention et de démarches : toujours très élevés, mais…

Les intentions et les démarches entrepreneuriales restent à des niveaux importants et, surtout, elles s’établissent au Québec loin devant ce qui pouvait être observé il y a 10 ans. Nous notons toutefois un certain ralentissement ces deux dernières années. Cette récente baisse des taux d’intention et de démarches concerne surtout les jeunes hommes sans études universitaires et les individus natifs. Il est fort possible que la performance récente du marché du travail ait détourné certains individus de leur projet entrepreneurial, surtout ceux qui étaient a priori davantage tournés vers un entrepreneuriat de nécessité.

Ce « décrochage entrepreneurial » de certaines clientèles n’est pas alarmant, mais doit tout de même être surveillé de près. Par ailleurs, nous notons aussi que le taux de propriétaires diminue légèrement. La diminution des deux dernières années reste dans les marges d’erreur, mais elle est néanmoins visible. Le vieillissement de la population et la vigueur du marché du travail sont des facteurs explicatifs, tout comme une certaine concentration croissante des entreprises.

Le potentiel inexploité de certaines catégories d’entrepreneurs

  1. La présence des femmes dans la chaîne, déjà remarquable au Québec, continue de progresser : les femmes représentent pratiquement la moitié des nouveaux propriétaires d’entreprises, et se rapprochent du niveau des hommes en ce qui concerne les démarches. En dépit de ce rattrapage, extrêmement encourageant, certains écarts subsistent : par exemple, les femmes sont rares parmi les Chefs de file (un profil de propriétaire actif à l’international et tourné vers la croissance et l’embauche). Les efforts pour stimuler l’entrepreneuriat féminin doivent absolument être maintenus, avec une attention particulière à l’égard de l’entrepreneuriat scientifique et technologique, car il s’agit bien souvent de milieux propices à l’émergence de modèles d’affaires voués à l’internationalisation et à la croissance. 
  1. Les entrepreneurs de 35 à 49 ans (génération X) présentent des taux d’intention et de démarches élevés, et disposent d’une expérience professionnelle avantageuse pour la réussite de leur projet. Jusqu’ici très peu examinée, la génération X devrait être incluse de manière plus explicite dans les stratégies de soutien, spécialement ceux de moins de 45 ans, et pour qui l’offre actuelle peut paraître trop concentrée sur les besoins des plus jeunes générations.
  1. Les plus jeunes Québécois (18-34 ans) continuent de manifester beaucoup d’attrait pour l’entrepreneuriat, mais parallèlement, le taux d’échec a augmenté considérablement ces dernières années. Beaucoup d’entre eux semblent s’être lancés en affaires sans préparation adéquate, notamment en ce qui concerne l’étude de leur propre marché. Il y a un « effet mode » de l’entrepreneuriat qui a contribué sans aucun doute à l’augmentation des divers indicateurs de l’activité entrepreneuriale de ce groupe d’âge. Cependant, cette vague doit mieux se traduire dans des projets solides. Des mesures d’accompagnement spécifiques à ce groupe d’âge s’avèrent toujours aussi essentielles.
  1. Alors que les intentions et les démarches entrepreneuriales des immigrants se situent à des taux très élevés comparativement à la moyenne, les taux de propriétaires ne reflètent pas cet écart. Les immigrants qui aspirent à devenir propriétaires d’entreprises expriment un sentiment d’isolement qui se reflète dans une demande d’accompagnement (telle que le mentorat) nettement plus élevée que celle notée chez les autres clientèles. Ainsi, il faut multiplier les initiatives qui permettront à ces Québécois au dynamisme entrepreneurial exceptionnel de favoriser leur intégration aux réseaux d’affaires. 

Des tendances à surveiller

      1. L’Indice 2018 semble confirmer la progression des multientrepreneurs (propriétaires de plus d’une entreprise). La concentration des entreprises est un phénomène rencontré ailleurs aussi, reflétant la diversité des entrepreneurs selon leurs motivations, leur expérience, leurs savoirs, leurs ressources, leurs orientations, leurs capacités de détecter les occasions d’affaires et de performance. Ces aspects suggèrent le besoin d’une approche différentiée des politiques de soutien à l’entrepreneuriat. La montée du multientrepreneuriat est à surveiller, car elle est souvent associée au dynamisme et à la créativité entrepreneuriale. 
      1. Par ailleurs, les individus avec études universitaires s’affichent de façon beaucoup plus marquée dans la chaîne entrepreneuriale, particulièrement en ce qui concerne les intentions et les démarches, mais aussi du côté des propriétaires orientés vers une volonté de croître et d’être actif à l’international. Il est important de poursuivre les nombreuses initiatives entrepreneuriales en milieu universitaire, sans toutefois négliger l’impact que peuvent avoir celles issues du milieu collégial.
      1. Quant aux indicateurs liés à la culture entrepreneuriale, l’édition 2018 montre une culture renforcée depuis 10 ans. Par contre, nous notons très peu d’évolution du côté des jeunes qui ne font pas partie de la chaîne entrepreneuriale et de leurs perceptions à l’égard de certains bénéfices de l’entrepreneuriat. En effet, en ce qui a trait à l’honnêteté des entrepreneurs ou à la reconnaissance du caractère sain de leur enrichissement, bon nombre de ces jeunes ne semblent pas reconnaître clairement le rôle positif des entrepreneurs dans la société. Il convient donc de rester alerte sur la reconnaissance des valeurs entrepreneuriales chez les jeunes. Il faut aussi continuer à favoriser la sensibilisation à l’entrepreneuriat dès le plus jeune âge, et particulièrement en milieu scolaire.

L’entrepreneuriat à échelle humaine : la place de la communauté

À l’heure d’une mondialisation accélérée, d’une économie aux exigences technologiques et concurrentielles augmentée, l’entrepreneuriat ne saurait se contenter de grandes politiques fédérales et provinciales, aussi importantes soient-elles; en effet, l’histoire récente nous indique que les territoires peuvent et doivent prendre en main le dynamisme local de l’entrepreneuriat. Il apparaît difficile de ne pas citer les cas de Shawinigan, de Rivière-du-Loup ou encore de Lotbinière qui ont amorcé, il y a quelques années, le développement de leur communauté entrepreneuriale. Ces communautés sont autant de territoires où l’Indice peut jouer un rôle clé; d’abord dans la mobilisation des acteurs, mais aussi dans la mesure de l’efficacité de leurs initiatives visant la réussite durable des entrepreneurs.

En fait, cette notion de communauté peut même paraître comme une extension naturelle du concept de la famille en affaires, dont l’impact est si évident au sein de l’entrepreneuriat québécois; en effet, les modèles et l’accompagnement locaux prennent une importance particulière auprès des entrepreneurs actifs ou en devenir. Au Québec, de nombreuses autres municipalités savent de mieux en mieux associer un écosystème favorable à l’entrepreneuriat avec la vitalité sociale de leur territoire. Nous pouvons nous en réjouir, car cette progression vers une couleur toujours plus humaine de l’entrepreneuriat est très certainement ce qui permettra au Québec d’offrir à sa lancée entrepreneuriale les plus belles perspectives.

Tiré de l’Indice entrepreneurial québécois 2018 de la Fondation de l’entrepreneurship.
Novembre 2018
Auteurs : Mihai Ibanescu (Institut d’entrepreneuriat Banque Nationale – HEC Montréal), Audrey Azoulay (illo pertinere), Rina Marchand (Fondation de l’entrepreneurship).