SE LANCER APRÈS 50 ANS : LA NOUVELLE VAGUE ENTREPRENEURIALE

Les données concernant les propriétaires de la présente section s’appuient sur le sondage des phases I et II de l’Indice. Voir la section « Méthodologie » pour de plus amples renseignements. Télécharger le rapport pour consulter la section.

Au Québec, comme ailleurs sur la planète, la place des personnes de 50 à 64 ans dans la création d’entreprises est rarement considérée, que ce soit dans la recherche scientifique ou dans les politiques de soutien à l’entrepreneuriat.

On parle d’entrepreneuriat « gris », d’entrepreneuriat « seigneur » ou encore d’entrepreneuriat « du troisième âge » pour les personnes de 50 ans et plus avec l’intention d’entreprendre (incluant le travail autonome). L’importance économique de l’entrepreneuriat gris se mesure d’abord dans l’activité en tant que telle, éventuellement dans la création d’emplois, mais également dans la diminution de la pression sur le système social lorsqu’il s’agit d’un entrepreneuriat par nécessité, quand ces personnes deviennent des contributeurs à ce système au lieu d’être des bénéficiaires.

Les recherches existantes sur l’entrepreneuriat de ce groupe d’âge pointent en particulier sur les avantages d’une longue expérience professionnelle, un capital humain et social développé, une situation financière sécurisée[1] ou encore une lecture plus juste de leurs capacités personnelles et professionnelles[2].

Taux d’intentions et de démarches spectaculaires

Croissance de 45 % du taux de démarches des 50-64 ans.

L’Indice 2019 montre que le taux d’intentions d’entreprendre parmi les 50 à 64 ans s’élève à 16,1 %, ce qui est très proche de la moyenne (19,5 %), en plus d’avoir connu un bond entre 2018 et 2019, passant de 11,5 % à 16,1 %. Même croissance remarquable concernant le nombre d’individus en démarches de ce groupe et qui a augmenté d’environ 45 %, passant de 5,5 % en 2018 à 8,0 % en 2019!

Présence évidente parmi les propriétaires d’entreprises déjà établis

Pour les 50 ans et plus, rappelons que le taux de propriétaires est maximal[3] : 11,1 % de la population de 50 à 64 ans s’est déclarée propriétaire d’au moins une entreprise et la moitié de l’ensemble des propriétaires d’entreprises (49,7 %) se trouve dans ce groupe d’âge. À noter que 47,9 % des entreprises avec plus de 50 employés ont comme propriétaires des personnes de 50 ans et plus. Leur poids et leur importance parmi les entrepreneurs ont été observés de manière similaire partout dans le monde.

Les personnes de 50 ans et plus contribuent donc de manière notable au dynamisme entrepreneurial du Québec. Les sous-sections qui suivent se penchent sur ce qui caractérise les intentions et les démarches des individus de ce groupe d’âge.

Éléments de la culture entrepreneuriale

Nous avons vu dans la section sur la culture entrepreneuriale que le groupe des 50-64 ans choisit, pour la première fois dans l’histoire de l’Indice, le fait d’entreprendre (incluant le travail autonome) comme carrière optimale. Travailler comme employé (que ce soit dans une PME, une grande entreprise ou pour le gouvernement) n’est plus le choix de prédilection de cette tranche d’âge.

Sur les divers facteurs (graphique 31) influençant l’émergence des intentions entrepreneuriales (la perception du risque entrepreneurial, la créativité, la proactivité et le sentiment d’autoefficacité), les 50-64 ans obtiennent à l’étape des intentions ou des démarches des résultats globalement supérieurs aux plus jeunes, sauf pour la prise de risque.

De plus, parmi les personnes qui ne font pas partie de la chaîne entrepreneuriale (intentions, démarches, propriétaires, fermetures), ce sont celles du groupe des 50-64 ans qui montrent la perception la plus positive quant à leur expérience professionnelle et sa pertinence pour mener un éventuel projet d’entreprise.

GRAPHIQUE 31

Moyenne des scores Z pour les perceptions sur la propension à prendre des risques, l’autoefficacité, la créativité et la proactivité – Par groupes d’âge (personnes exprimant l’intention de se lancer en affaires ou à l’étape des démarches) – Québec (Indice 2019) – Scores Z

En fait, seule la propension à prendre des risques est réduite par l’âge. Ce dernier élément est par ailleurs confirmé par la totalité des études analysant la relation entre la prise de risque et l’âge.

Enfin, comme l’indique le graphique 32, les capacités financières apparaissent plus solides chez les 50-64 ans.

GRAPHIQUE 32

Taux des personnes avec des intentions ou en démarches avec un revenu individuel annuel de 80 000 $ et plus – Par groupes

Il semblerait que le niveau de revenus relativement plus élevé réduit l’entrepreneuriat de nécessité des 50-64 ans (8,4 % des personnes de ce groupe ont des revenus inférieurs à 20 000 $, comparativement à 21,2 % chez les jeunes).

Taux d’intentions : obstacles et motivations

Toutefois, l’insuffisance des ressources financières est, quel que soit l’âge ou le sexe, le premier obstacle du passage entre les intentions et les démarches. Cet obstacle est mentionné par une majorité de répondants dans toutes les catégories, sauf pour les hommes de 50 à 64 ans, qui sont relativement moins nombreux à le mentionner (38,9 %), conformément à une situation financière a priori plus solide. Les femmes du même groupe l’indiquent à 50,4 %, bien plus souvent que les hommes de ce groupe d’âge, mais moins que les hommes et les femmes des autres groupes d’âge (entre 56,8 % et 59,6 %).

Les problèmes de santé arrivent au second rang des obstacles. Ils sont mentionnés par 10,9 % des 50-64 ans (0,9 % des jeunes; 2,2 % des 35-49 ans). Le manque de connaissances nécessaires est reconnu comme principal obstacle par seulement 2,5 % des 50-64 ans (comparativement à 12,7 % pour les jeunes et à 4,2 % pour les 35-49 ans).

S’accomplir est la principale motivation d’entreprendre des 50-64 ans, et les finances et la santé sont les obstacles les plus importants.

Pour les 50-64 ans, les intentions sont d’abord motivées par le désir d’accomplissement personnel avec 59,5 % de ce groupe étant très en accord, au-dessus de 57,9 % pour les 35-49 ans et 48,2 % pour les 18-34 ans. Cet écart suggère une sensibilité particulière des personnes plus âgées pour, enfin, poursuivre un rêve.

« Gagner beaucoup d’argent » est moins souvent mentionné (14,9 % des 50-64 ans sont très en accord, 42,3 % pour les jeunes). Complémentaire à cette motivation, celle relative aux craintes de « revenus insuffisants à la retraite » reçoit 58,3 % des opinions (très ou plutôt en accord), comparativement à une part de 46,0 % chez les jeunes de 18 à 34 ans.

Moins considérés dans les dispositifs d’aide à l’entrepreneuriat, les 50-64 ans croient – plus que les autres groupes – que le début des démarches dépend de conditions spécifiques de l’accès au financement, telles que les taux bancaires réduits, des services professionnels avantageux, etc. (46,7 % des 50-64 ans, 39,6 % chez les jeunes).

L’accompagnement d’un conseiller à la création de l’entreprise est considéré comme très important pour 36,7 % des 50-64 ans, ce qui est légèrement supérieur aux autres groupes (33,6 % pour les jeunes et 30,3 % pour les 35-49 ans). Ce besoin peut sans doute témoigner d’une volonté d’agir mieux, plus rapidement.

Pour ceux qui n’en sont encore qu’à l’étape des intentions, l’horizon de temps estimé pour effectuer les démarches et démarrer l’entreprise semble déterminant : 64,9 % des 50-64 ans veulent démarrer en l’espace de trois ans (38,2 % pour les 18-34 ans et 40,1 % pour les 35-49 ans).

Les démarches… Tempus fugit (le temps presse)!

À l’étape des démarches, 40,9 % des répondants de 50-64 ans envisagent le travail autonome comme modalité de se lancer en affaires, une part nettement supérieure à celle des jeunes (18,7 %) ou des 35-49 ans (27,8 %).

En toute logique, envisager la création de 10 emplois dès le début de l’entreprise est plus rare; 2,8 % seulement des 50-64 ans le prévoyant, et exclusivement par les hommes, alors que cette part s’élève à 8,4 % pour les autres groupes d’âge. Pourtant, les investissements d’envergure sont envisagés par les 50-64 ans (8,8 % indiquent des investissements de 500 000 $, contre 7,8 % pour les 18-34 ans et 8,7 % pour les 35-49 ans).

Le temps nécessaire entre l’étape des démarches et la mise en activité de l’entreprise tend à diminuer avec l’âge (graphique 33). En effet, 79,5 % des 50-64 ans estiment débuter dans moins de trois ans, alors que ce taux se limite à 60,5 % pour les 35-49 ans et à 62,3 % pour les jeunes. Un temps estimé plus court pour la mise en activité de l’entreprise envisagée est associé avec une probabilité plus grande de finaliser ces démarches et de rendre l’entreprise opérationnelle. Les 50-64 ans se trouvent dans une meilleure position à cet égard.

GRAPHIQUE 33

Temps estimé jusqu’à la mise en activité de l’entreprise envisagée – Personnes à l’étape des démarches, par groupes d’âge – Québec (Indice 2019)

Obstacles lors des démarches

Sur les 16 obstacles identifiés, la difficulté de passer à l’action semble être moins ressentie par les 50-64 ans (beaucoup moins nombreux à mentionner très difficile ou assez difficile à contourner) :

Sans la contribution des 50 à 64 ans, le taux global des propriétaires passerait de 6,2 % à 5,4 %.

  • 15,1 % des 50-64 ans reconnaissent l’insuffisance des économies personnelles comme très difficile à contourner, contre 28,7 % pour les jeunes et 25,5 % pour les 35-49 ans;Sur les 16 obstacles identifiés, la difficulté de passer à l’action semble être moins ressentie par les 50-64 ans (beaucoup moins nombreux à mentionner très difficile ou assez difficile à contourner) :
  • 8,3 % des 50-64 ans considèrent l’insuffisance du financement privé comme très difficile à contourner, contre 23,9 % chez les jeunes et 19,3 % chez les 35 à 49 ans.

L’intention d’investir en innovation dès la première année ou avant même de débuter est similaire entre les différents groupes d’âge (52,2 % pour les 50-64 ans, contre une moyenne globale de 52,4 %). Par contre, les 50-64 ans sont plus orientés vers le marché local : seuls 13,5 % envisagent des activités à l’international dès la première année, alors que la moyenne globale est évaluée à 21,6 %.

Ajoutons que la méconnaissance ou la difficulté d’accéder à des programmes spécifiques d’aide pourrait expliquer pourquoi la majorité des « démarcheurs » de 50-64 ans (56,2 %) n’a fait aucune sollicitation d’aide auprès des organismes voués à l’entrepreneuriat (contre 32,7 % chez les jeunes et 46,3 % chez les 35-49 ans). Néanmoins, le niveau de satisfaction quant à la qualité de l’aide est similaire pour les « démarcheurs », quel que soit le groupe.

Par contre, les « démarcheurs » de 50-64 ans souhaitent davantage être accompagnés par des entrepreneurs d’expérience (37,3 %, contre 27,8 % pour les jeunes et 24,6 % pour les 35-49 ans). Cela s’explique peut-être par le fait que dans cette tranche d’âge, il est plus fréquent d’avoir la sagesse de constater que nous savons que nous ne savons pas…

Qui sont les propriétaires qui entreprennent à partir de 50 ans?

Ensemble des propriétaires : ce sont 13,9 % de l’ensemble des propriétaires actuels qui se sont lancés en affaires après leur 50e anniversaire, les hommes et les femmes étant quasiment à égalité (respectivement 51,3 % et 48,7 %). Sans la contribution de ce groupe d’âge, le taux global des propriétaires se réduirait de 6,2 % à 5,4 %.

Taille des entreprises : les entreprises des propriétaires de 50-64 ans qui ont débuté en affaires après 50 ans sont généralement très petites. En effet, 57,2 % n’ont aucun employé (48,8 % pour les hommes et 66,0 % pour les femmes). Ils sont 30,4 % à avoir entre 1 et 3 employés (31,4 % pour les hommes, 29,3 % pour les femmes), tandis que 8,0 % embauchent 11 employés et plus, avec une prédominance plus marquée des hommes (14,5 % contre 1,2 % pour les femmes).

En 2019, un nouveau propriétaire sur trois appartient au groupe des 50-64 ans (2016 : un sur cinq).

Nouveaux propriétaires : lorsque nous jetons un coup d’œil aux nouveaux propriétaires (en activité depuis moins d’un an) pour l’année 2019, 32,4 % des nouveaux propriétaires[4] ont plus de 50 ans, ce taux étant largement en hausse par rapport à celui de 2016 (20,3 %). Les données révèlent que dans 85,1 % des cas, il s’agit de la seule entreprise détenue, donc un vrai début entrepreneurial, et que les femmes sont majoritaires[5] (57,9 % contre 42,1 % d’hommes, une tendance également observée aux États-Unis[6],[7]).

Taille des entreprises des nouveaux propriétaires : néanmoins, la taille de ces nouvelles entreprises est généralement plus petite. Si la part des nouveaux propriétaires sans employés est pratiquement la même quel que soit l’âge (46,0 % pour les 50-64 ans, 47,0 % pour les jeunes et 48,7 % pour les 35-49 ans), les 50 à 64 ans sont surtout représentés parmi les entreprises de 1 à 3 employés. Par contre, les taux de nouvelles entreprises avec 50 employés et plus sont similaires entre les groupes d’âge (5,0 % pour les jeunes, 4,7 % pour les 35-49 ans et 5,1 % pour les 50-64 ans).

Secteurs d’activité et marchés : de plus, les nouveaux entrepreneurs de 50-64 ans sont très souvent ceux qui peuvent mettre à profit une importante expérience de travail dans les services professionnels : 30,2 % de ce groupe d’âge (34,0 % d’hommes, 26,1 % de femmes). Suivent ensuite les secteurs des autres services (9,3 %), du commerce de détail (7,5 % avec une certaine surreprésentation des femmes, à 9,9 %), des soins de santé et services médicaux (7,0 %) et de la fabrication (6,6 %). De plus, ils sont 16,9 % à déclarer faire des ventes à l’international (22,6 % des hommes et 11,0 % des femmes).

Globalement, l’Indice 2019 permet de souligner que les entrepreneurs plus âgés occupent une place tout à fait significative dans la chaîne entrepreneuriale et qu’ils font assurément partie de la nouvelle vague entrepreneuriale québécoise.

Sources

[1] Halvorsen et Chen, 2019; Halvorsen et Morrow-Howell, 2017; Weber et Schaper, 2004; Cannon, 2008.

[2] Forbes, 2005.

[3] Voir la section 3. Télécharger le rapport pour consulter la section.

[4] Nouveaux propriétaires : personnes qui ont créé ou pris en possession une entreprise durant la dernière année.

[5] Ces résultats sont à prendre avec précaution : le nombre de répondants est faible dans ces catégories et est donc associé à une importante marge d’erreur.

[6] Zissimopoulos et Karoly, 2009.

[7] Les études dans le domaine sont très rares.