Indice entrepreneurial québécois 2018

Introduction

Le Québec entrepreneurial est enrichi d’une connaissance précieuse et d’un élan évident

Regard unique et riche sur le dynamisme entrepreneurial, l’Indice entrepreneurial québécois (l’Indice) rapporte les résultats du plus grand sondage annuel réalisé au Québec sur le sujet. Rappelons que l’Indice est un sondage grand public qui mesure la propension qu’ont les Québécois à vouloir se lancer en affaires, et qu’il permet d’analyser une foule d’indicateurs sur la « santé » de la culture entrepreneuriale québécoise. Il s’agit définitivement d’un regard sur les humains qui font l’entrepreneuriat, et non sur les structures qui en découlent (les entreprises).

Depuis les débuts de l’Indice en 2009, pour mesurer l’activité sur l’ensemble de la grande chaîne entrepreneuriale, plus de 100 000 Québécois ont été sondés, et ces données peuvent aujourd’hui être comparées. Et c’est sans compter ceux qui ont pu être interrogés au fil des ans sur près de 50 territoires différents. Ces territoires se sont en effet enrichis d’analyses dérivées de la méthodologie de l’Indice, que nous appelons les Portraits du dynamisme entrepreneurial et les Indicateurs de base.

De plus, l’Indice cumule maintenant les réponses de plus de 6 500 propriétaires d’entreprises, ce qui a permis de capter au fil du temps une multitude de facettes propres à l’entrepreneuriat. D’ailleurs, l’information collectée sur les entrepreneurs a inspiré la bonification progressive du questionnaire, ce qui permet aujourd’hui de disposer d’analyses longitudinales ou verticales sur toutes sortes de thématiques.

À l’aube du 10e anniversaire de l’Indice, la Fondation croit que ce grand sondage unique, de par son ampleur et sa profondeur, a permis non seulement prendre le pouls de la culture entrepreneuriale, mais aussi – édition après édition – de « démystifier » l’entrepreneuriat, et de possiblement aiguiller l’écosystème de soutien qui s’est particulièrement bien développé au cours des dernières années.

Il est également très satisfaisant de constater qu’entre 2009 et 2018, l’Indice montre une progression vraiment encourageante de l’activité entrepreneuriale : le taux d’intention (c’est-à-dire le fait de vouloir entreprendre un jour) est passé de 7 % à 19,5 %; la progression du taux de démarches est également impressionnante avec une hausse de 2,8 % à 9 % sur la même période. Ces progressions constituent une excellente nouvelle : en si peu de temps, la montée des taux relève d’un éveil entrepreneurial particulièrement bienvenu à une époque où l’économie doit se renouveler pour s’adapter aux conditions de la mondialisation et d’une évolution technologique accélérée.

Cette progression fait aussi écho à l’enjeu que l’édition 2010 de l’Indice soulignait, soit que « le défi de l’entrepreneuriat au Québec réside dans la mobilisation d’un plus grand nombre de gens vers l’entrepreneuriat ». Il semble que cette mobilisation s’opère au Québec : monter un projet entrepreneurial semble être de plus en plus souhaité, et de plus en plus accessible.

Toutefois, le ralentissement présentement observé dans ces taux (connaissant même une légère baisse) est à surveiller de près. Le Québec peut heureusement compter sur des clientèles bien spécifiques pour soutenir cet élan, comme nous le verrons plus loin.

Poursuivre sur de bonnes bases pour multiplier les réussites

Cela dit, ces avancées ne se traduisent pas encore dans le taux de propriétaires qui a plutôt tendance à afficher une très légère diminution1 : il est passé de 7,2 % en 2009 à 6,3 % en 2018. Les explications sont multiples, mais de toute évidence – à côté de la concrétisation forcément ardue d’un projet entrepreneurial – la vigueur du marché du travail québécois, accentuée par une pénurie de main-d’œuvre qualifiée qui se confirme, détourne très possiblement de bons candidats à la création d’entreprises vers la stabilité supposée des revenus associés à un emploi. Dans l’équation, il faut également prendre en compte le fait que le taux de fermeture2 a nettement augmenté (de 6 % en 2009 à 12,5 % en 2018), sous les effets probables, entre autres, de mouvements démographiques et de mutations sectorielles.

Globalement, le taux de propriétaires n’est pas nécessairement le signe d’un entrepreneuriat québécois sans élan, mais il suggère néanmoins que, dans le contexte actuel de l’économie, de l’évolution technologique et du vieillissement de la population, il faut redoubler d’efforts pour toujours mieux nourrir la culture entrepreneuriale, le goût du risque, et le goût de donner une chance aux nouvelles idées. Ce ralentissement doit également interpeller le milieu sur la nécessité de soutenir avec encore plus de détermination le succès des entrepreneurs qui ont décidé de mener à bien leurs projets.

L’Indice 2018 : reconnaître les forces entrepreneuriales du Québec

L’Indice a 10 ans. Avec cette édition, il fallait tout naturellement faire le point sur les grandes trajectoires qui ont marqué l’entrepreneuriat québécois au cours de la dernière décennie, car c’est sur le bilan d’aujourd’hui que peuvent être nourries les forces entrepreneuriales du Québec.

Et, justement, l’Indice 2018 met en lumière des clientèles à fort potentiel et qu’il conviendra d’encore mieux soutenir, car leur contribution peut s’avérer déterminante pour le futur entrepreneurial du Québec. Il s’agit tout particulièrement des femmes, des immigrants et des générations X et Y. De plus, l’Indice 2018 reconnaît également les caractéristiques de deux types de propriétaires qui partagent un goût du risque et une ambition hors du commun : les Chefs de file et les Multientrepreneurs. Enfin, l’Indice 2018 permet de mettre en évidence deux « facteurs multiplicateurs » plus évidents que d’autres, et tout à fait propices à la création de valeur et à la croissance des PME : le tremplin des études universitaires et l’avantage « culturel » des familles en affaires.

Des clientèles à fort potentiel

L’entrepreneuriat féminin – Une accélération est clairement en cours du côté des femmes qui se lancent en affaires. Cette observation est en grande partie menée par les jeunes femmes de 18 à 34 ans qui, depuis deux ans, comptent pour 43 % de l’ensemble des femmes propriétaires. L’Indice 2018 révèle également une autre grande nouvelle : la parité hommes-femmes est atteinte parmi les nouveaux propriétaires qui se sont lancés en affaires au cours de la dernière année3. La contribution des femmes dans la chaîne entrepreneuriale reste à renforcer, mais leur potentiel ne passe définitivement plus sous le radar, comme cela a été le cas dans le passé.

L’entrepreneuriat immigrant – Les intentions entrepreneuriales et le taux de démarches sont globalement deux fois plus importants chez les immigrants que chez les individus natifs. Si cette clientèle a un rôle de propulseur dans la chaîne entrepreneuriale, leur part parmi les propriétaires d’entreprises se démarque largement moins par rapport aux natifs, les immigrants ayant vraisemblablement plus de mal à concrétiser leur projet. Néanmoins, l’Indice 2018 repère possiblement l’amorce d’un rattrapage : 15 % des propriétaires immigrants se sont lancés en affaires au cours de la dernière année, comparativement à un taux de 10 % chez les natifs.

Génération Y – Une vague entrepreneuriale se dessine du côté de la génération des 18-34 ans : 43 % des jeunes actifs à l’étape des démarches ont commencé leur projet depuis moins d’un an. La contribution des jeunes ces dernières années ne cesse d’être soulignée dans l’Indice. Il faut en effet les reconnaître comme de futurs entrepreneurs à soutenir, d’autant plus qu’ils prennent de plus en plus de poids parmi l’ensemble des entrepreneurs.

Génération X – Pour la première fois, l’Indice s’est penché plus largement sur les entrepreneurs de 35 à 49 ans : leur potentiel (jusqu’ici sous-estimé au sein de la chaîne entrepreneuriale) s’avère important. Ce potentiel doit d’abord être reconnu dans le fait que 34 % des propriétaires actifs de plus de 50 ans se sont précisément lancés entre 35 et 49 ans, ce qui en fait un bassin d’entrepreneurs loin d’être négligeable. Ensuite, cette génération envisage une concrétisation de leur projet largement plus rapide. Les entrepreneurs de cette génération bénéficient aussi de ressources financières et d’un bagage professionnel propices à la réussite de leur projet. Plus tolérants au risque et plus proactifs que les propriétaires actuels de plus de 50 ans qui se sont lancés en affaires étant jeunes, les entrepreneurs de la génération X affichent un potentiel élevé pour la croissance de leurs entreprises.

Des types de propriétaires qui se démarquent

Les Multientrepreneurs – L’Indice 2018 met en évidence un chiffre étonnant : un tiers des propriétaires veulent augmenter leur activité d’une seconde entreprise. Déjà repérée il y a quelques années, la montée du multientrepreneuriat semble se confirmer au Québec. Ces intentions concordent avec le pourcentage des Multientrepreneurs parmi les propriétaires : en 2011-2012, 8 % des propriétaires détenaient au moins deux entreprises, alors qu’en 2017-2018, ce taux a augmenté à 10,4 %. Les Multientrepreneurs affichent une propension exceptionnelle à la prise de risque, et un taux de probabilité de passer des intentions aux démarches aussi élevé que 90 %, l’expérience et la persévérance expliquant fort probablement ce goût « multiplié » pour l’entrepreneuriat. 

Les Chefs de file – Trois fois plus l’intention d’innover en technologie durant la prochaine année que les autres types de propriétaires d’entreprise. Comparativement aux trois autres grands profils d’entrepreneurs4, les Chefs de file se distinguent par une volonté d’investir en innovation nettement plus importante, par leur propension à la prise de risque et par leur proactivité. Présentant des
parcours et des qualités tout à fait favorables à des réussites entrepreneuriales exemplaires, les Chefs de file ont une part vraisemblablement croissante parmi les entrepreneurs québécois, et cela constitue une excellente nouvelle.

Des facteurs multiplicateurs

Les études universitaires – L’Indice a mis en évidence un point d’inflexion depuis 2014 sur la place des diplômés universitaires parmi les Québécois manifestant le désir de se lancer en affaires. En quatre ans, le taux d’intention parmi les personnes avec des études universitaires sont passés de 20 % à 28 %, alors que celles avec des études préuniversitaires affichent un taux d’intention déclinant (de 18 % à 15 % entre 2014 et 2018). L’évolution est similaire pour le taux de démarches. Alors que l’économie est portée par des activités de plus en plus sophistiquées, du fait tant de la mondialisation que de l’évolution des technologies, il semble que la formation universitaire peut être vue comme l’un des tremplins pour l’entrepreneuriat. La croissance des incubateurs et d’autres initiatives de soutien à l’entrepreneuriat, particulièrement en milieu universitaire, ont très certainement participé à cette évolution.

Famille en affaires – La moitié des propriétaires d’entreprises indiquent avoir eu au moins un parent entrepreneur. La proportion est importante et il ne s’agit certainement pas d’un hasard : l’Indice met plus que jamais en évidence comment l’expérience familiale facilite le développement de l’entrepreneur qui, appuyé d’une culture d’affaires captée au plus jeune âge, semble plus aisément « apprivoiser » la prise de risque et les nombreux obstacles à l’entrepreneuriat. L’expérience familiale s’apparente ainsi à un incubateur et même à un accélérateur d’entreprise « naturels » : les individus issus d’une famille en affaires présentent des taux d’intention, de démarches et de propriétaires globalement deux fois plus élevés que les entrepreneurs n’ayant pas d’expérience familiale en affaires. Ils manifestent également une propension à investir et une confiance supérieure vis-à-vis de leurs capacités à entreprendre.

À propos des données

Comportant de multiples facettes, l’entrepreneuriat recèle autant de complexités à apprécier que d’occasions d’affaires à saisir. En innovation sociale comme en innovation technologique, du milieu de la culture au milieu scientifique, autant pour les plus grandes que pour les plus petites entreprises, pour les gouverne­ments nationaux comme pour les gouvernements locaux, l’entrepreneuriat interpelle tout le monde, car la capacité de passer de l’idée d’affaires à une entreprise fonctionnelle est très certainement le premier moteur du progrès. Avec l’édition 2018 de l’Indice, la Fondation de l’entrepreneurship a souhaité pointer les sources les plus évidentes pour augmenter le potentiel entrepreneurial du Québec. Cet avancement est souhaitable et accessible, car au cours des 10 dernières années, la mobilisation qui en a renforcé l’écosystème a été exceptionnelle. Que la prochaine décennie soit marquée par le même enthousiasme pour l’entrepreneuriat québécois!

Sources

1La diminution reste d’une année à l’autre dans les marges d’erreur, mais elle est néanmoins visible.
2Dans l’Indice, l’indicateur de fermeture représente le nombre d’individus ayant fermé, au moins une fois dans leur vie, une entreprise (excluant la vente de celle-ci).
3Moyenne sur deux ans (2017 et 2018) des nouveaux propriétaires.
4Les quatre profils d’entrepreneurs : Chef de file, Prudent, Enraciné et Individualiste. (Fondation de l’entrepreneurship, Indice entrepreneurial québécois 2016. Croissance et internationalisation : les quatre profils de l’entrepreneur québécois sous la loupe, novembre 2016.) Le Chef de file est un propriétaire d’entreprise (toutes formes d’entreprises confondues) qui est actif à l’international et dont l’entreprise compte des employés salariés. L’Enraciné est un propriétaire d’entreprise majoritairement actif à l’échelle provinciale (mais pas à l’international), et dont l’entreprise compte des employés salariés. Le Prudent est un propriétaire d’entreprise sans autre employé que lui-même et ayant certaines activités à l’international. L’Individualiste est un propriétaire d’entreprise sans autre employé que lui-même et ayant des activités majoritairement locales ou régionales.
Tiré de l’Indice entrepreneurial québécois 2018 de la Fondation de l’entrepreneurship.
Novembre 2018
Auteurs : Mihai Ibanescu (Institut d’entrepreneuriat Banque Nationale – HEC Montréal), Audrey Azoulay (illo pertinere), Rina Marchand (Fondation de l’entrepreneurship).